Prédiction des distorsions de composants soudés : simulations et validations expérimentales

COMPTE-RENDU DE LA JOURNÉE DU 27 mars 2003

 

Le premier séminaire de la commission Simulation Numérique du Soudage de l'AFM s'est tenu à la Maison de la Mécanique à Courbevoie. Le succès de l'initiative est net : plus de 90 participants et des discussions animées après les présentations. Un vaste panel d'industries ont participé comme en témoignent les présentations : constructeur d'engins de travaux publics, acteurs des chantiers navals, du nucléaire, de l'aéronautique, de l'automobile. Dommage que la représentation universitaire n'ait pas été plus forte. Le programme est présenté en annexe. Après avoir rappelé le thème du séminaire nous tirons les principales conclusions de cette journée; enfin nous vous signalons plusieurs initiatives entreprises par la commission SNS.

Thème du séminaire

Les constructeurs de structures mécano-soudées sont régulièrement confrontés au problème des distorsions introduites par les opérations de soudage, particulièrement délicat à résoudre empiriquement.

La réalisation d'un ensemble soudé passe en général par la fusion locale des jonctions à assembler. L'existence même d'une zone fondue est à l'origine de modifications radicales de l'état interne de l'assemblage. D'une part, la solidification de cette zone produit une microstructure particulière, distincte de l'état initial ; d'autre part, le "retrait" dimensionnel de soudage introduit contraintes et déformations résiduelles. Ces déformations sont concentrées autour du cordon de soudure mais elles induisent en pratique des déplacements à l'échelle de la pièce qui modifient notablement ses caractéristiques dimensionnelles.

L'homme de métier est régulièrement confronté au problème des distorsions après soudage. Si dans le cas d'un assemblage simple, il peut s'en accommoder et prévoir grossièrement l'effet d'un bridage des pièces, dans le cas de structures comportant plusieurs jonctions soudées, les effets cumulés de chaque assemblage sont difficilement maîtrisables empiriquement. Les distorsions successives peuvent s'ajouter ou au contraire tendre à se compenser selon le mode opératoire et en particulier selon l'ordre de réalisation des soudures.

Des essais de mise au point constituent alors une phase préliminaire particulièrement longue et coûteuse. Ceci d'autant plus que l'optimisation du mode opératoire peut ensuite imposer de réviser la conception de la structure en adaptant le dessin des joints et le dimensionnement des pièces. En effet, les distorsions sont étroitement liées à la forme et au volume des cordons de soudure, de même que l'état des contraintes résiduelles (dépendant de l'état des déformations) doit être pris en compte dans la prédiction de durée de vie de la structure en service.

Dans l’industrie mécanique, une des contraintes majeures des constructeurs est de réduire les temps et les coûts de développement des nouveaux produits. Le passage obligé pour atteindre cet objectif est incontestablement l’utilisation croissante de la simulation numérique en corrélation étroite avec les essais encore incontournables.

Conclusions du séminaire

La forme et la fréquence de ces rencontres semblent recevoir l'aval des participants. En regroupant les exposés par deux avant discussion, il faut néanmoins faire attention à la proximité de leurs sujets, sinon le premier risque d'être oublié. Le mois de mars paraît aussi un choix satisfaisant et afin de fidéliser notre auditoire, nous conserverons le même lieu pour le prochain séminaire. Celui-ci est prévu pour le 25 mars 2004 à la Maison de la Mécanique.

Pour ce qui concerne le contenu, je tire de ces présentations les conclusions suivantes :

D'une façon générale, il faut noter la qualité de toutes les présentations (repérées par des numéros sur le programme reproduit en annexe), la volonté de débattre des difficultés (voir par exemple les présentations d'E. Massoni [5] et d'ESI [8]) et l'appel à des échanges d'informations notamment pour l'instrumentation des maquettes.

Les débats ont fait ressortir les points suivants:

La recherche d'une solution ne nécessite pas la résolution complète du problème ou tout au moins pas avec une précision élevée sur toutes les inconnues. Par exemple, l'étude présentée par Caterpillar [1] a pour objectif l'amélioration de la planéité d'un plateau de niveleuse (0,7 mm pour un rayon de 2 à 3 m). Objectif atteint par sélection du mode de découpe, la pré-déformation avant soudage, l'optimisation du montage, malgré un écart notable entre valeurs de contraintes résiduelles mesurées et calculées. La simulation du soudage à l'arc en construction navale, présentée par Principia Marine [2], permet d'estimer les contraintes et déformations résiduelles en fin de réalisation d'un panneau de pont à partir des rouleaux de métal. La thermométallurgie est simulée, mais le calcul des contraintes est élastique, pour vérifier l'absence de risque de flambage thermoélastique. Dans les deux cas, le choix des paramètres ou des étapes de fabrication à simuler en fonction des objectifs permet de réduire considérablement les coûts ou la complexité des simulations.

Pour modéliser le soudage par friction inertielle, E. Massoni [5] montre qu'il est essentiel de tenir compte du couplage entre les effets mécaniques et thermiques, donc de disposer d'une base de donnée matériau. Le calage du coefficient de frottement sur la courbe de ralentissement mesurée sur la maquette et non pas de façon indépendante ne permet pas de vérifier si cette quantité a un caractère intrinsèque. Le problème du calage du coefficient de frottement à partir de l'essai lui-même est posé aussi par l'étude [7]. La question de la détermination des données ne peut sur ce point être séparée de l'examen de la pertinence du choix de la modélisation du frottement.

L'étude de "comparaison des modèles de comportement mécanique pour la simulation des distorsions de soudage" sur un cas apparemment simple montre que l'utilisation de données existantes pour les caractéristiques viscoplastiques risque d'être insatisfaisante. Si la structure est peu bridée (voir le cas de la plaque mince, donc pas autobridée, chauffée présenté par l'INSA [4]), la simulation des distorsions exige de tenir compte des effets visqueux et si l'INSA obtient de bons résultats c'est sans doute que la caractérisation du 316L de la plaque a été effectué sur la coulée.

La "modélisation du soudage par Faisceau d'Électrons de l'aluminium 6061" met en évidence l'importance des transformations métallurgiques sur les variations des propriétés mécaniques au cours des cycles de chauffage / refroidissement.

Pour la simulation L'étude [7] conclut à la nécessité de tenir compte des comparaisons sur la forme du bain fondu et pas seulement sur les mesures de thermocouples. Plusieurs auditeurs ont souligné l'importance de la composition chimique du métal d'apport sur le forme du bain, celui-ci ne dépend pas que du procédé. Pour la simulation numérique du soudage par friction [6], les auteurs ont procédé de façon itérative, le principal problème étant la dépendance du coefficient de frottement vis-à-vis de la température.

Les difficulté de mesure précise des températures ont été soulevées par plusieurs participants : pour les comparaisons calcul-expérience le diamètre et la position précise des thermocouples doivent être connus.

La technique de mesure à partir des déplacements de la face inférieure par méthode inverse développée par le CETHIL [4] n'est guère envisageable qu'en laboratoire, mais a donné de bons résultats sur le plaques testées par l'INSA.

L'étude [3] n'en est qu'à la phase de construction du modèle thermo-métallurgique; mais quand il s'agit de modéliser un caisson, il faudra faire attention à la représentativité du maillage et effectuer des études de l'importance des séquences de soudage.

L'étude [8] propose une "méthode global-local" pour la construction navale et l'industrie automobile. Les effets du soudage sont simulés dans une zone entourant la soudure et les déformations plastiques simulées sont appliquées comme déformations initiales à la structure. La difficulté est de déterminer les conditions aux limites sur le modèle local. L'intérêt est de restreindre le raffinement de maillage aux zones soudées et de pouvoir analyser l'effet des séquences de soudage sur la déformation de la structure en raison du gain en temps de modélisation et de calcul. Les techniques de transfert des résultats du local au global semblent maîtrisées. Cependant, pour valider l'approche (calage thermique effectué de façon empirique, choix des conditions aux limites locales) des cas tests sont nécessaires.

Ces tests sont nécessaires non seulement pour vérifier la qualité des logiciels et de la maîtrise des utilisateurs, mais aussi ils ont une valeur pédagogique et rassurante. Si l'on n'arrive pas à reproduire des expériences simples, c'est que les modèles sont à améliorer ou le processus trop sensible à des paramètres difficiles à quantifier. Les résultats du benchmark lancé par J.J. Janosh ne sont pas encourageants.

Le cas étudié dans [7], porte sur une plaque rectangulaire mince encastrée sur un bord et sur laquelle on réalise une ligne de fusion par soudage TIG parallèlement au bord. Les difficultés de la simulation dues sans doute à l'importance d'une modélisation fine des effets visqueux, montrent qu'il n'est pas évident de choisir un cas test.

La SNS doit fournir un effort pour définir ou collecter des cas-test en précisant les différents niveaux d'exigence de la qualité de la réponse : la détermination du signe de la contrainte résiduelle en peau peut être le premier objectif pour les structures épaisses.

 

Futures initiatives de la SNS

- Envoi d'un questionnaire : en mai le Professeur Jullien devrait diffuser ce questionnaire qui doit nous servir à mieux identifier les thèmes de rencontres, les besoins d'échanges

- Appel aux propositions de cas-tests

Pour qu'un problème puisse devenir cas-test, il faut réunir plusieurs conditions :

Dans le cas de la simulation du soudage, ces conditions sont difficiles à réunir. D'abord parce que nous ne disposons pas de solutions analytiques. Les simulations numériques comportent plusieurs difficultés qui sont sources d'écarts avec la réponse donnée et qui rendent difficile l'identification de l'incertitude de la simulation.

Ensuite parce que la détermination des données pèse beaucoup dans le travail de simulation. La livraison des données de caractérisation des matériaux peut constituer un problème juridique ou commercial.

Enfin, dans ces processus couplés, juger de la qualité d'un cas test demande la participation d'experts de différentes spécialités. La commission SNS se chargera de ce point.

Une fois identifiés des cas test possible, la commission se réunira pour résoudre les problèmes posés ci-dessus.

- Information sur les évènements : manifestations, projets de coopération, round-robins, soutenances

Dans le cadre de cette démarche d'identification de problèmes servant à la fois à aider à la compréhension des phénomènes et à la qualification des logiciels (et/ou de leurs utilisateurs), il importe de rappeler le benchmark lancé par Janosh.

- Développer un annuaire de spécialistes de l'analyse numérique du soudage accessible aux membres de l'AFM

- Mettre en relation industriels et universitaires pour aider à la réalisation de DEA, thèses

- Constituer une liste de références (thèses, articles)

- Soutenir le développement de Bases de Données en insistant sur leur importance, en soulignant les difficultés qui peuvent être rencontrées, en diffusant l'expérience acquise par les industriels qui ont effectué cette lourde tâche.

Coordonnées des membres du bureau de la SNS

Voici la composition actuelle du bureau de la SNS. Il comporte au plus deux représentants par entreprise.

NOM

SOCIÉTÉ

Lieu d'activité

Fonction

Tung Thien CHAU

PRINCIPIA (Ex IRCN)

NANTES

Ingénieur

André FONTES

CEA/DRT/DECS/UTA

SACLAY

Responsable de laboratoire

Philippe GILLES

FRAMATOME-ANP

PARIS La Défense

Expert

Jean- François JULLIEN

INSA-Lyon URGC-Structures

VILLEURBANNE

Professeur

Bertrand JOURNET

EADS

SURESNES

Responsable de laboratoire

Dominique DELOISON

EADS

SURESNES

Ingénieur

J. Ph. SERMAGE

EDF-SEPTEN

LYON

Ingénieur

Valérie CANO

EDF-R&D

CLAMART

Ingénieur

Sébastien OTT

RENAULT

GUYANCOURT

Ingénieur

Les coordonnées des membres du bureau sont les suivantes:

Nom Prénom

E-mail

Téléphone

FONTES André

andre.fontes@cea.fr

 

CANO Valérie

valerie.Cano@edf.fr

 

CHAU THUNG TIEN

t.t.chau@ircn.asso.fr

 

DELOISON, Dominique

dominique.deloison@eads.net

 

GILLES Philippe

philippe.gilles@framatome-anp.com

01 4796 1677

JOURNET Bertrand

bertrand.journet@eads.net

01 4697 3397

JULLIEN J-François

Jean-Francois.Jullien@insa-lyon.fr

 

OTT Sébastien

Sebastien.Ott@renault.com

 

SERMAGE Jean-Philippe

Jean-Philippe.Sermage@edf.fr

 

 

 

 

 

 

PROCHAIN Séminaire de la commission SNS (AFM/GST-MIA)

SOUDAGE MULTIPASSES : Contraintes résiduelles, effets de revenu,

maîtrise du chanfrein, méthodes simplifiées,…

Jeudi 25 mars 2004

Maison de la Mécanique (Courbevoie)

 

 

ANNEXE

Programme du 1er séminaire de la SNS (27/03/03)

9h : accueil

9h30 : Introductions

Ph. GILLES (Framatome)

J.M. DELBECQ, (EDF)

B. JOURNET (EADS) " Enjeux industriels et défis à relever "

10h – 12h15 :

1 ●Application industrielle de la simulation numérique du soudage en 3D afin de prédire les distorsions des structures. Validation sur composants réels

J.J. Janosch (Caterpillar)
2 ●Simulation numérique du soudage arc en construction navale

T.T. Chau (Principia)

Discussion

3 ●Simulation du soudage par faisceau d’électrons de l’alliage d’aluminium 6061 T6

A. Colombel (CEA)

4 ●Prévision des distorsions résultant d’une opération de soudage : de l’analyse du matériau à la simulation numérique de structures

J.F. Jullien (INSA Lyon)

Discussion

Déjeuner sur place 12h30

13h45 – 15h :

5 ●Modélisation numérique du soudage par friction inertielle entre matériaux dissimilaires

E. Massoni (CEMEF)

6 ●Simulation numérique du soudage " Friction Stir Welding "

D. Lawrjaniec (Institut de Soudure)

Discussion

15h30 – 17h :

7 ●Comparaison de modèles de comportements mécaniques pour la simulation des distorsions de soudage (acier inoxydable austénitique)

B. Saint-Germain (ECP)

8 ●Présentation de la méthode locale-globale : application au cas de la construction navale et de l’industrie automobile

F. Boitout (ESI Software)

Discussion et conclusion

 

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